30 de mayo de 2012

CÓLERA DE LA VISIÓN




Intermedio

Cólera de la visión

I

Y a mi visión le dije: "¿Qué es entonces el Exodo?
¿Qué cosa es Babilonia? ¿Qué cosa es Jerusalén?
Si en el mundo no hay y sobre el mundo un río
invisible y que fluya debajo de la aparente paz,
si nadie se preocupa de las innumerables hojas
del bosque,
si los gritos de los humanos caen como castañas
en la tierra, según de donde sople el viento,
 sin alterar la paz de los Ángeles,
 ¿Qué es entonces el Éxodo?
Si no es algo eterno ciertamente
— ¿qué cosa es entonces?"
Y bruscamente fui arrojado en los campos de Francia.


II

Del río Somme al Loira la desgracia
se arrojó sobre nuestras armas y el río Meuse gritaba: "¡Huid!"
Y de pronto huíamos como una lluvia rojiza
de otoño, agolpándonos en los canales vacíos
de las rutas,
viniendo de Arrás, viniendo de Amiens,
de Tourcoing, de Ruán,
En una pesada tormenta de furgones, de camiones,
durmiendo sobre los caballos como reyes de bronce
— un relámpago de cólera gastada en la mirada...


III

¡Desgañítate, oh puerta!
¡Grita, oh razón indómita!
Es el fuego que avanza,
todo lo quema a lo largo de la ruta, de nosotros hace
sombras,
todo lo hemos perdido, todo lo hemos perdido,
nada nos queda sino la ruta, la noche,
y esta sombra, que en lugar de destruir
la llama engendra.


IV

¿Qué cosa haremos si los ríos
nos abandonan uno por uno?
Dios mío, Dios mío, ¿qué cosa haremos, ?

El río Meuse, miserable, de nosotros huyó,
 Y al Somme lo han secuestrado...
Si los ríos todos nos abandonan
¿qué cosa haremos?

Río Marne, tan astuto, tan bonito,
¿por qué en tu lecho aún permaneces?
Es una locura, ¡oh Sena!
¡Dios mío!

Queda el Loira que nos espera,
seguramente que nos espera,
entre sus juncos todo desnudo,
¿no es cierto, oh Loira?

Mas si él también nos abandona,
¿para qué entonces la leche, el pan,
 si todavía existen sobre la tierra?
Si se nos va también el Loira,
Dios mío, Dios mío, ¿qué cosa haremos, ?


V

 Os he contado a todos,
civiles de ayer, contadores, comerciantes, campesinos
y obreros de fábrica y mendigos cuyo nido
se halla bajo los puentes de Notre-Dame
y sacristanes e hijos de la Asistencia
Pública, franceses todos de Francia, con los ojos límpidos,
o del Congo, de los pueblos argelinos, de Anam
con palmeras flotando en la mirada
y franceses venidos del Caribe,
franceses por los derechos del hombre,
hijos de la barricada y de la guillotina,
sans-culottes, la frente incorruptible, libres,
y checos, y polacos, y eslovacos
y judíos de todos los guetos de este mundo,
que amaban esta tierra y sus sombras y sus ríos,
y que pusieron la simiente de su muerte en esta tierra
y que se han vuelto franceses por la muerte.


VI

El día acaba, viene la noche
un día aún, aún una noche
un siglo aún sin sueño
y sin parar la eternidad
delante nuestro.

El río humano pasa y se aleja.
Un río aún de insomnio
un río aún de rostros
en mi mirada pasa
también mi rostro
en la mirada de los otros pasa.

¿Terminará esta noche?
¡Ay, si fuese un espejo
podríamos romperlo,
si fuese una casa
podríamos quemarla,
si un vientre fuese
le arrancaríamos el niño
— enteramente rojo!


VII

Detrás nuestro dejamos París. ¡Ay, si yo alguna vez te olvido
 Jerusalén!... Entonces no eras más una ciudad, sólo una antigua hostia
un pan de carne, de sangre
que allá quedó, pero que con nosotros
llevamos — en el cautiverio, el ultraje
en la angustia, el vómito y la afrenta. Río dulce, ¡oh Siloé!
¡Oh Sena! y tú París, muro de los lamentos reservado
para más tarde
cuando Asiria hinchada como una vejiga inmensa
reventará.
¡Cuántos judíos en esta tierra, Señor! y que quizás
 te han olvidado, con la nuca rígida y la mente incrédula, Sí
y sin embargo hacia Ti nuestro grito se eleva. ¿Te acuerdas
del chivo que, antaño, la fuerte mano de Aarón
erigía y que echaba al desierto, cargado
con nuestras impurezas? Heme aquí Aarón.
Me pongo de rodillas y sollozo y grito
en una lengua que he olvidado, pero de la que
me acuerdo en las noches emocionadas de Tu Cólera:
"¡Adonai Eloshenu, Adonai Eshod!"


VIII

"¡Adonai Eloshenu, Adonai Eshod!"
¡Ten piedad, ten piedad de la tierra de Francia!
¡Qué hermosa es! ¡Tal como Tú la habías creado
de la nada, por medio de Tus manos sabias y amorosas,
con sus finos viñedos, sus catedrales y
sus caballos de labor y sus hombres límpidos!
¡Ten piedad, ten piedad, Señor,
de esta Francia que conocí en los libros,
pura y que me asquea, sucia y ensangretada,
el vientre abierto en el centro inmaculado de la oda
— "¡Adonai Eloshenu, Adonai Eshod!"
Tú sabes que cuando todo se haya calmado
en la tierra y en los cielos
Te olvidaremos. Tú ya sabes
que solamente el secreto recuerdo de mi plegaria
me llenará de vergüenza. Te guardaría rencor, sabes,
si la escuchases. Me guardaría rencor, también,
por haberla hecho. Tengo, Tú lo sabes, otros dioses
además de Ti, secretos, pérfidos.
Pero aquí en el camino, en el desastre y en
el caos, no existe otro Dios. ¡Sólo Tú existes!
¡Terrible, Igneo, Misericordioso, Unico!

Traducción de Miguel Ángel Frontán




Intermède

Colère de la vision

I

Et j'ai dit à ma vision: «Qu’est-ce donc que l’Exode?
qu’est-ce que Babylone ? qu'est-ce, Jérusalem ?
S'il n'y a pas dans le monde et sous le monde un fleuve
invisible et qui roule sous l'apparente paix,
si nul ne se soucie des innombrables feuilles
de la forêt,
si les cris des humains tombent comme châtaignes
à terre, au gré du vent,
sans altérer la paix des Anges,
qu'est-ce donc que l'Exode?
Si ce n'est pas vraiment une chose éternelle
— qu'est-ce donc?»
Et brusquement je fus jeté dans la campagne de France.


II

De la Somme à la Loire
le malheur s'est jeté sur nos armes et la Meuse criait: «Fuyez!»
Et nous fuyions soudain comme la pluie rousse
d’automne, gargouillant dans les gouttières creuses
des routes,
venant d'Arras, venant d'Amiens,
venant de Reims, venant de Lille,
de Tourcoing, de Rouen,
dans un orage lourd de fourgons, de camions,
dormant sur les chevaux comme des rois de bronze
— un éclair de colère usée dans le regard...


III

Hurle, ô porte!
Crie, ô raison indomptée!
C'est le feu qui s'élance,
il brûle tout le long des routes, il fait de nous
des ombres,
nous avons tout perdu, nous avons tout perdu,
il ne nous reste plus que la route, la nuit
et cette ombre, qu'au lieu de détruire
la flamme engendre.


IV

Qu'allons-nous faire si les fleuves
l'un après l'autre nous quittaient?
Mon Dieu, mon Dieu, qu'allons-nous faire?

La Meuse nous a fuis, la gueuse,
et la Somme s'est fait enlever...
Si tous les fleuves nous quittaient
qu'allons-nous faire?

La Marne, ô rusée, ô jolie,
pourquoi es-tu restée au lit?
O Seine, c'est de la folie!
Mon Dieu!

Il reste la Loire, elle attend,
elle nous attend sûrement,
toute nue parmi ses joncs
— n'est-ce pas, ô Loire ?

Mais si elle aussi nous quittait,
à quoi bon le pain et le lait,
s’il en demeure sur la terre ?
Si elle aussi, elle s’en allait...
Mon Dieu, mon Dieu, qu'allons-nous faire?


V

Je vous ai tous comptés
civils d'hier, comptables, boutiquiers, paysans
et ouvriers d’usine et clochards dont le nid
est sous les ponts de Notre-Dame
et bedeaux de sacristie et fils de l'Assistance
publique, tous Français de France, aux yeux limpides,
ou du Congo, du bled algérien, d’Annam
avec des palmiers flottant dans le regard
et des Français venus des îles Caraïbes,
Français selon les droits de l'homme,
fils de la barricade et de la guillotine,
sans-culottes, le front incorruptible, libres,
et des Tchèques, et des Polonais, des Slovaques
et des Juifs de tous les ghettos de ce monde,
qui aimaient cette terre et ses ombres et ses fleuves,
qui ont ensemencé de leur mort cette terre
et qui sont devenus français, selon la mort.


VI

Le jour s’achève, c’est la nuit
encore un jour, encore une nuit
encore un siècle sans sommeil
et l'éternité sans arrêt
devant nous.

Le fleuve humain coule et s'écoule.
Encore un fleuve d’insomnie
encore un fleuve de visages
coule dans mon regard
et mon visage aussi
coule dans le regard des autres.

Finira-t-elle cette nuit?
Ah, si elle était une glace
on pourrait la casser,
si elle était une maison
on pourrait y mettre le feu,
si elle était un ventre
on en arracherait l’enfant
— tout rouge!


VII

Nous laissions derrière nous Paris. Ah! si jamais
je t'oublie, Jérusalem... A présent
tu n'étais plus une ville, mais une vieille hostie
un pain de chair, de sang
qui est resté là-bas, mais que nous emportions
avec nous — dans la captivité, l'outrage
dans l'angoisse, l'offense et le vomissement.
Douce rivière, ô Siloé
O Seine! et toi Paris, mur des lamentations
réservé à plus tard
quand Assyrie enflée comme une vessie immense
crèvera !
Que de Juifs sur cette terre, Seigneur! et qui sans doute
T'ont oublié, cous raides et têtes fortes. Oui,
et pourtant nous criions vers Toi.
Te souviens-Tu du bouc, jadis, que la forte main d’Aaron
imposait et chassait dans le désert, chargé
de nos impuretés ? Me voici Aaron.
Je me mets à genoux et je sanglote et crie
en une langue que j'ai oubliée, mais dont
je me souviens aux soirs émus de Ta Colère :
« Adonaï Elochenu, Adonaï Echod ! »


VIII

Adonaï Elochenu, Adonaï Echod !
Aie pitié, aie pitié de la terre de France !
Comme elle est belle ! Telle que Tu 1'avais créée
du néant, de Tes mains savantes et amoureuses
avec ses fins vignobles, ses cathédrales et
ses chevaux de labour et ses hommes limpides !
Aie pitié, aie pitié, Seigneur,
de cette France que j’ai connue dans les livres,
pure, et qui m’écoeure, souillée et dans le sang,
le ventre ouvert au centre immaculé de l'ode
— Adonaï Elochenu, Adonaï Echod !
Tu sais que lorsque tout se sera apaisé
sur la terre et dans les cieux
nous T'aurons oublié. Tu sais, dès à présent,
que seul le souvenir secret de ma prière
me remplira de honte. Je T'en voudrai, vois-Tu,
de l'avoir écoutée. Je m'en voudrai aussi
de l'avoir dite. J'ai, Tu le sais, d’autres dieux
que Toi, secrets, perfides !
Mais ici, sur la route, dans le désastre et dans
le chaos, il n'est pas d'autre Dieu. Tu es seul !
Terrible, Igné, Miséricordieux, Unique !

(L'Exode - Super flumina Babylonis)















Benjamín Fondane- Rumanía







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Benjamín Fondane
       (Rumanía, 1898-1944)
Poeta y ensayista rumano nacionalizado francés. Nacido en Jassy (Moldavia), de padres judíos, su nombre verdadero era Benjamin Wechsler. Estudió en la escuela Alexandru cel Bun y en el Liceul Nacional de Rumania. Con sólo 12 años publica sus primeros artículos en el periódico Valuri, bajo el seudónimo de B. Fundoianu. En 1918 hace sus primeras traducciones del yiddish y aparecen sus primeros sonetos en las revistas judías Hatikvah, Lumea Evree, Bar-Kochba y Hasmonaea. Con 21 años se trasladó a Bucarest y más tarde a París. En 1929 realiza su primer viaje a Argentina, invitado por su gran amiga Victoria Ocampo. Fue fundador de la compañía de teatro de vanguardia Insula y director de la revista Integral. Es autor de las obras Livres de France (ensayo, 1921), Trois scenari. Cinépoèmes (1928), Un philosophe tragique: Léon Chestov (1929), Edmond Husserl et l'uf de Colomb du réel (1929), Paysages, 1917-1923 (poemas, 1930), Uly''sse (1933), Conscience malheureuse chez Denoël (ensayo, 1936), Faux Traité d'esthétique chez Denoël (ensayo, 1938) y Baudelaire et l'expérience du gouffre (1942). En 1938 obtuvo la nacionalidad francesa y dos años mas tarde, y en plena II Guerra Mundial, fue hecho prisionero y liberado por padecer una úlcera de estómago. El 7 de marzo de 1944 fue arrestado por la policía y deportado a Auschwitz donde murió asesinado en la cámara de gas el 3 de octubre.





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